Participants : Dominique, Daniel, Patrick, Michel
Encadrants : Daniel + Michel
Bonjour.
L’histoire commence par une bonne nouvelle : la route du Bois Noir, en amont de Ceillac, est déneigée ! Les hauts vallons du bassin du Cristillan sont accessibles !
Nous démarrons vers 2050 m, skis aux pieds, pleins de confiance en l’avenir, et... nous déchaussons cinquante mètres plus loin ! Un pont franchit le torrent. Rive gauche, côté nord, l’enneigement restera continu et le chaussage définitif.
La trace se fraye un passage entre le Cristillan et la montagne ; passage bientôt très déversant, alors que la neige, gelée par le froid nocturne, est d’une dureté à toute épreuve, sauf à celle des couteaux à ski. Nous serrons les fesses et nous tordons les chevilles sur quelques centaines de mètres avant de sortir sur un espace long, large et plat : les Sagnières. Nous sommes tirés d’affaire. La neige reste toujours aussi dure, au point que nos carres ne marquent même pas sa surface.
Avec tout cela, notre gain d’altitude n’a guère progressé. Mais voici une grande pente qui se dresse devant nous et la dénivelée va augmenter rapidement. Parvenus au niveau d’un ancien verrou, vers 2500 m, nous apercevons enfin notre objectif : la Tête de la Cula. L’espace s’ouvre encore. De croupes en ressauts, tantôt au fond du talweg, tantôt au-dessus, nous arrivons au pied de la dernière pente.
En même temps que nous franchissons le seuil symbolique des 3000 m, nous atteignons la zone de neige fraîche. Pas si symbolique au demeurant, car notre souffle est devenu plus court et nos jambes s’alourdissent.
Nous nous dirigeons vers le versant nord-ouest de la Cula. L’auteur de ces lignes s’entête à ne pas vouloir remettre ses encombrants couteaux, puisque
« voyons ! la neige est si molle ! »
« voyons ! la neige est si molle ! »
Un peu plus haut, le vent ayant exercé sur la couche superficielle son travail de chasse, notre esprit fort trouve spontanément vraiment pratiques ces petits accessoires : « Voyons ! comment s’en passer ? »
Entre les deux cairns sommitaux, un peu à l’abri des petits coups d’un vent léger mais glacial, nous nous installons sur les récifs émergés du blanc manteau pour nous repaître de nos casse-croûtes et du paysage. Si Viso, Taillante, mont Rose, mont Blanc, sont facilement identifiables, la reconnaissance des montagnes plus proches, du Queyras ou de l’Ubaye, qui se présentent sous un profil inhabituel, est parfois plus malaisée.
Dans la descente, la neige fraîche laisse rapidement place à une neige non seulement dure mais croûtée : le cauchemar du skieur ! Il nous faut tirer vers les pentes orientées au sud pour aller chercher une neige en cours de transformation, plus confortable.
J’ai oublié de dire que, parsemé de quelques bébés-nuages placés là pour faire joli, le ciel a revêtu ses plus beaux atours et le soleil resplendit. Nous sommes victimes d’un phénomène que nous croyions réservé au temps couvert, celui... du « jour blanc », mais oui !... La lumière est si forte, concentrée, réverbérée par le fond et les versants des vallons, que, par moments, nous ne percevons plus le relief !
Les huit cents mètres de dénivelée suivants sont expédiés à vitesse grand V : nous ne pouvons résister au plaisir d’enchaîner courbe après courbe sur une surface « moquette » ou « béton », mais toujours rigoureusement lisse. Une pause. Une voix : « On se croirait sur une piste damée ! ». On fait taire l’hérétique, et la folle farandole des morts-de-faim — il nous en faudrait plus pour nous rassasier — repart de plus belle.
Le passage-retour le long du torrent est moins impressionnant que prévu, le portage s’avère une simple formalité, et les voitures sont précocement rejointes : il n’est même pas 14 heures.
Patrick ayant trouvé — quel heureux hasard ! — une bouteille dans ses affaires, nous en sacrifions, par gratitude, le contenu houblonné et mousseux aux dieux du ski de rando.
L’un d’eux s’appelle aujourd’hui Daniel.
Michel Reynaud
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